Mieux vaut être un ennemi du peuple
qu’un ennemi de la réalité.
Pier Paolo Pasolini (1922-1975)
J’ai toujours apprécié ses prises de position, ses combats et surtout les risques qu’elle a pris pour la dignité des femmes, les droits des opprimés et la cause des peuples. Et j’arrive à son article au Monde (1), sur l’affaire montée par la gauche caviar post-moderne, anti-« banlieue francophone ».
Je reconnais que son approche n’est pas « tenue panthère Dior » ni féministe tendance Sitruk. Elle se différencie clairement de la version Publicis. Elle pointe à juste titre l’islamophobie ambiante, les mâles prédateurs et les autres intégrismes religieux. Elle aurait pu en rester là.
1) « En vérité, ce jugement fait bien de la virginité la cause de la nullité. » Non, Mme Halimi. Je ne suis pas juriste, mais ayant lu l’extrait du jugement sur le site de Maître Eolas, aucune mention n’est faite (sinon ce serait une atteinte grave à la condition de la femme). Comment une avocate et surtout une femme de gauche peut faire de telles affirmations ? Ennemie de la vérité ? Pour faire plaisir à qui ?
2) « Il eût été pour les époux si simple de divorcer par consentement mutuel. » Quelle hypocrisie ! Le couple, et surtout la femme, a voulu se séparer. Annulation ou divorce est une affaire d’avocats qui intéresse peu le peuple.
3) « Parions qu’une procédure discrète et consensuelle de divorce eût été plus rapide ! » Autrement dit, aller se faire avorter discrètement en Suisse plutôt que de se battre pour la cause des femmes ! Belle leçon de la part de Gisèle Halimi !
4) « … le mariage relève de l’ordre public. Ce qui signifie que l’adhésion de l’épouse devrait être sans conséquence sur le jugement. » Le divorce étant probablement d’ordre public (puisque le mariage l’est), si je suis G. Halimi, il ne peut pas y avoir de divorce par consentement mutuel !
5) « Le jugement gomme la liberté d’une femme de disposer d’elle-même ! » Au contraire, le jugement met en évidence le fait que la jeune femme avait disposé de son corps comme elle entendait. Un divorce par consentement mutuel aurait masqué ce fait. On notera que Dalloz s’est précipité pour publier le jugement.
6) La vie privée du Président de la République dont elle était ministre n’a jamais posé problème à la femme de gauche G. Halimi car probablement la situation était « discrète et consensuelle ». Ah, ces mâles prédateurs qui nous fascinent !
7) Mais enfin, le problème de fond est là et G. Halimi est consciente : « D’autant que l’épouse aurait acquiescé à la demande. Personne, d’ailleurs, ne se soucie d’en savoir davantage : pression familiale ? sociale ? culpabilisation excessive et intériorisée ? Envie d’en finir et d’effacer de ses souvenirs cet épisode navrant de sa jeune vie ? »
Pourquoi elle écrit « aurait acquiescé » ? Il n’y a personne qui conteste le fait qu’elle était consentante. D’ailleurs, Mme Halimi cherche les « circonstances atténuantes » de son acquiescement. « Pression familiale ? sociale ? » avance-t-elle. Etait-ce le rôle de la juge du tribunal de Lille de changer la vision de ces personnes majeurs et consentantes ? Le juge (ni le procureur - par paresse ? - ) n’a rien dit lors d’un mariage d’un grand homme politique et d’une femme célèbre qui se vantait de sa polyandrie. En France, Mme Halimi, les juges répondent seulement aux questions qu’on leurs pose.
8) La femme avait le droit de contester « la qualité essentielle ». Elle n’a pas fait. La juge ne prononcerait pas l’annulation. Probablement, il y aurait divorce mais au dépend de monsieur avec pension alimentaire etc. Je suppose que le mariage était sous la communauté des biens comme dieu l’exige (!). Il faudra peut-être un jour faire payer le prix de l’hymen très cher à certains mâles. Mais là aussi, il faudra des femmes courageuses et militantes. Ce n’est pas la faute (principalement) des « catholiques intégristes disciples de Monseigneur Lefebvre, priant régulièrement à Saint-Nicolas-du-Chardonnet ». C’est la faute en particulier de Delanoé qui les héberge malgré des votes de protestation de son Conseil !
9) Et si le mari intégriste n’était pas ingénieur et dirigeant de société ? Je me suis marié par amour ; j’ai découvert par la suite que ma femme était extrêmement riche ! Le terrain est miné.
10) Avez-vous apprécié le silence total des représentants des cultes ? Aucun n’a pris position et pour cause. Le grand rabbin a créé un tribunal rabbinique national (il juge en particulier les divorces et les interdits alimentaires). A l’université, on ne doit pas convoqué les étudiants juifs aux examens le samedi et les jours fériés. Le président du culte musulman finira par obtenir de la viande halal dans les cantines. La bourgeoisie religieuse (D. Straus-Kahn à Sarcelles, M. Aubry à Lille, …) instaurent des piscines réservées aux femmes. Est-ce pour les préserver des regards des mâles prédateurs ? Mme Alliot-Marie, vraie femme chrétienne, j’en doute, pour faire plaisir à son dieu et à ses amis de l’Opus Dei du Vatican, porte le foulard à Rome, interdit à nos écoles publiques.
Avez-vous apprécié le silence total des partis politiques ? Ils sont tous choqués ! Mais pourquoi ? Ils ont honte de la justice ! La charia, pas chez nous ! Y a-t-il quelqu’un qui a proposé d’en finir avec les symboles prégnants de la virginité (robe blanche, voile, …) ?
La réalité est là. Changer cette réalité. Les tribunaux condamnaient les femmes pour avortement. Mme Halimi et les 343 salopes ont changé cette réalité. On ne condamne plus les femmes pour avortement. Et ainsi de suite. Il faudra plusieurs Gisèle Halimi, combattantes, pour en finir avec les moeurs barbares des époques archaïques et surtout de la religion à propos de la femme (et du reste). Les Fourniret se nourrissent encore de ces fantasmes.
La question de fond. Il existe des hommes qui ont une vision archaïque de la femme et la religion y st pour beaucoup. Il n’est pas inutile de pointer également la vision archaïque des femmes à propos des hommes, Comment charger cette vision ? Ecole laïque, dirigeants laïques, intégration des écoles confessionnelles à l’Ecole de la République, suppression des subventions publiques. Conditions nécessaires mais non suffisantes.
(1) Cet article ne passerait pas au Monde Diplomatique !