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  • : Je cherche un homme
  • : A la manière de Diogène, philosophe cynique, regards sur la politique, l'université, la société.
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16 août 2008 6 16 /08 /août /2008 09:11

Nos concitoyens pensent par atavisme que les Russes sont communistes. Non, pas du tout.  Ils sont comme nous. Prenez par exemple l'article de l'agence NOVOSTI (l'AFP russe).

« Les experts assurent que la conscience des Russes subit toujours une forte influence de la télévision. Il existe dans les médias des consensus secrets ou apparents, manifestes ou implicites, faisant que les journalistes s'entendent pour ne pas critiquer le président Poutine mais pour le louer, estime l'analyste politique Dimitri Orechkine. C'est l'un des principaux succès de l'administration présidentielle. Vu que la situation économique est plutôt bonne, les gens ont l'impression que tout ceci est dû aux activités du président ».

Les Russes ne se cassent pas la tête. Ils nous copient. Ils ont remplacé Sarkozy par Poutine et  Roland Cayrol par Dimitri Orechkine. Maintenant que R. Cayrol a vendu ses parts à Bolloré (Fouquet’s team) ma démonstration est un peu bancale. J’en conviens. Les Russes ont une longueur d'avance sur nous.

 

 

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16 août 2008 6 16 /08 /août /2008 07:26

Le Figaro publie quelques noms très connus de la liste de 24.000 espions américains de la période 1942-45. Dans 60 ans on aura la liste des espions très connus qui opèrent actuellement. Mais sous un ton humoristique, Le Figaro, quelques jours après sa position peu américaine sur l'Ossétie, s'éloigne du modèle « nous sommes tous américains ».  La multilatéralité se pointe à l'horizon.  Les « philosophes » auront du travail.

Le texte du Figaro ci-après est paru le 15.08.08.

*  *  *

L'OSS, ancêtre de la CIA, utilisait un vaste réseau d'agents secrets pendant la Seconde Guerre mondiale. Les Archives nationales révèlent des noms surprenants.

S'il est une figure que les téléspectateurs américains n'auraient jamais imaginée dans le rôle d'un espion, c'est bien Julia Child, la grande dame tant par sa taille que par sa personnalité qui a fait découvrir la gastronomie française à ses compatriotes. Auteur de nombreux livres de cuisine, Julia s'est fait connaître du grand public par ses émissions qui ont occupé le petit écran depuis sa première série lancée en 1963, «The French Chef», jusqu'à quelques années avant sa mort, en 2004, à l'âge de 92 ans (en 2000, la France l'avait décorée de la Légion d'honneur).

Mais l'Amérique n'a jamais rien su des activités de Julia Child pendant la Seconde Guerre mondiale. Jusqu'à vendredi. Les Archives nationales américaines ont en effet rendu publics quelque 35 000 dossiers personnels classés top secret, parmi 750 000 documents relatifs au réseau d'espions de l'OSS (Office of Strategic Services), le premier bureau de renseignement créé par Franklin Roosevelt, en 1942, et qui donna naissance à la CIA (Central Intelligence Agency) en 1945.

D'autres noms sortis de l'ombre ont causé la surprise : ceux de John Hemingway, le fils de l'écrivain ; Kermit et Quentin Roosevelt, les fils et petit-fils de Theodore Roosevelt ; Arthur Schlesinger, qui fut l'ami et l'historien de John F. Kennedy ; ou encore Miles Copeland, le père de Stewart, le batteur du groupe The Police. Moins connus hors des États-Unis : Arthur Goldberg, qui devint juge à la Cour suprême ; l'acteur Sterling Hayden, qui joua dans le film The Godfather (Le Parrain) ; et le joueur de base-ball Moe Berg.

Le «père» de James Bond

« On avait dit à tous ces gens de ne jamais mentionner qu'ils faisaient partie de l'OSS », a indiqué à l'Associated Press Elizabeth McIntosh, une ancienne du réseau aujourd'hui âgée de 93 ans. Les «sans nom» partageaient la même obligation du secret : pendant plus de cinquante ans, Walter Mess n'a rien dit des opérations clandestines qu'il dirigeait en Pologne et en Afrique du Nord à celle qui est sa femme depuis soixante-deux ans (il en a lui-même 93).

L'autre grande surprise concerne l'ampleur de l'OSS, qui employait près de 24 000 personnes. C'est presque deux fois plus que le nombre précédemment estimé (13 000).

Les historiens vont se jeter sur une nouvelle mine à laquelle ils attendaient d'avoir accès depuis que l'ancien patron de la CIA, William Casey, avait autorisé le transfert des dossiers de l'OSS aux Archives nationales en 1981.

Bizarrement, les États-Unis n'avaient pas de bureau de renseignement avant que le président Roosevelt n'en confie le projet au général William Donovan.

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15 août 2008 5 15 /08 /août /2008 08:32

 Mahmoud Darwich est mort le 9 Août. Un homme libre comme tout résistant. Né en 1941 en Galilée, voit son village détruit par l’armée israélienne lors de la guerre de 1948. Sa famille, qui avait fui au Liban, rentre clandestinement deux ans plus tard. Il grandit avec les « Palestiniens de l’intérieur », sous administration militaire. Il fait ses études à l’université de Haïfa. Il milite au Parti communiste israélien, seul parti à compter des Juifs et des Arabes. Il est arrêté et emprisonné à plusieurs reprises. Et puis l'exil. Beyrouth, Caire, Moscou, Tunis, Paris. En 1993 il s'oppose avec Edward Saïd aux accords d'Oslo.

Il a publié plus de vingt volumes de poésie, sept livres en prose et a été rédacteur de plusieurs publications.

« L'œuvre de Darwich, essentiellement poétique, est une véritable défense et illustration d'une terre, d'un peuple, d'une culture en même temps qu'une entreprise hardie de genèse littéraire. Elle est hantée d'un bout à l'autre par une seule idée, une seule référence, un seul corps: la Palestine. La solitude et le désarroi de l'exil exprimés côtoient l'acceptation noble et courageuse où le désespoir profond devient générateur de création, porteur d'une charge poétique intense. » (Source : Wikipedia)

Il aurait dû avoir le prix Nobel de littérature. Mais on ne donne pas ce prix aux communistes (Nikos Kazantzakis, Nazim Hikmet, ...)

Le poème est extrait du recueil Les poèmes palestiniens, paru au Cerf en 1970. il est devenu un hymne chanté dans tout le monde arabe

 

Identité (1964)

 

Inscris !

Je suis Arabe

Le numéro de ma carte : cinquante mille

Nombre d'enfants : huit

Et le neuvième... arrivera après l'été !

Et te voilà furieux !

 

Inscris !

Je suis Arabe

Je travaille à la carrière avec mes compagnons de peine

Et j'ai huit bambins

Leur galette de pain

Les vêtements, leur cahier d'écolier

Je les tire des rochers...

Oh ! je n'irai pas quémander l'aumône à ta porte

Je ne me fais pas tout petit au porche de ton palais

Et te voilà furieux !

 

Inscris !

Je suis Arabe

Sans nom de famille - je suis mon prénom

« Patient infiniment » dans un pays où tous

Vivent sur les braises de la Colère

Mes racines...

Avant la naissance du temps elles prirent pied

Avant l'effusion de la durée

Avant le cyprès et l'olivier

...avant l'éclosion de l'herbe

Mon père... est d'une famille de laboureurs

N'a rien avec messieurs les notables

Mon grand-père était paysan - être

Sans valeur - ni ascendance.

Ma maison, une hutte de gardien

En troncs et en roseaux

Voilà qui je suis - cela te plaît-il ?

Sans nom de famille, je ne suis que mon prénom.

 

Inscris !

Je suis Arabe

Mes cheveux... couleur du charbon

Mes yeux... couleur de café

Signes particuliers :

Sur la tête un kefiyyé avec son cordon bien serré

Et ma paume est dure comme une pierre

...elle écorche celui qui la serre

La nourriture que je préfère c'est

L'huile d'olive et le thym

 

Mon adresse :

Je suis d'un village isolé...

Où les rues n'ont plus de noms

Et tous les hommes... à la carrière comme au champ

Aiment bien le communisme

Inscris !

Je suis Arabe

Et te voilà furieux !

 

Inscris

Que je suis Arabe

Que tu as raflé les vignes de mes pères

Et la terre que je cultivais

Moi et mes enfants ensemble

Tu nous as tout pris hormis

Pour la survie de mes petits-fils

Les rochers que voici

Mais votre gouvernement va les saisir aussi

...à ce que l'on dit !

 

DONC

 

Inscris !

En tête du premier feuillet

Que je n'ai pas de haine pour les hommes

Que je n'assaille personne mais que

Si j'ai faim

Je mange la chair de mon Usurpateur

Gare ! Gare ! Gare

À ma fureur !

 

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14 août 2008 4 14 /08 /août /2008 09:31

La classe inférieure se bouscule pour toucher la main de dalaï-lama. La classe supérieure est aux anges. Dans les pagodes le peuple vénère l'homme des cavernes. Dans les palais dorés de la république la classe supérieure reçoit un pauvre individu de l’Age de la pierre. Les droits de l'Homme !

Je pense à Strindberg, le grand August Strindberg, l’auteur suédois de Mademoiselle Julie. On sait moins qu’il était socialiste et admiré par la classe ouvrière. On sait encore moins qu’il est l’auteur d’un Petit catéchisme à l’usage de la classe inférieure écrit entre 1884 et 1886 mais jamais publié de son vivant (aucun éditeur ne voulait le publier). Le fragment qui suit de son Petit catéchisme traite de la religion et il est tiré de la version française parue aux Actes Sud en 1982.

 

*  * *

Petit catéchisme à l’usage de la classe inférieure

QU’EST-CE QUE LA RELIGION?

Un besoin apparu à un stade d’évolution inférieur et dont la classe supérieure s’est servie pour tenir la classe inférieure sous sa domination.

La classe supérieure se moque en secret de la religion, mais estime “qu’il faut une religion pour le peuple”. Un athée de bonne foi a déclaré récemment qu’il serait regrettable de rendre la classe inférieure malheureuse en la privant de sa religion.

On comprend la signification profonde de la religion en notant que certains athées ont pris la défense de cette superstition qu’est la Sainte Communion. La superstition sert les intérêts de la classe supérieure.

QUELS MOYENS LA RELIGION UTILISE-T-ELLE POUR CELA?

La terreur et l’espoir.

Par l’espoir d’une rédemption dans une vie ultérieure pour ceux qui, dans celle-ci, travaillent et souffrent pour la classe supérieure.

Frédéric II, appelé le Grand, a fait la confession suivante: “Tous les législateurs ont inventé des dieux et des dialogues avec les dieux pour assujettir les peuples. Croyez-moi, la peur nous force à inventer des diables et des enfers. La peur a créé les dieux. La force a créé les rois.”

DE QUELLE FAÇON LA RELIGION CRÉE-T-ELLE LA PEUR ?

Par la damnation, c’est-à-dire le châtiment éternel pour ceux qui n’obéissent pas à la classe supérieure.

La classe supérieure accapare tout sur terre et offre le ciel à la classe inférieure.

Voilà pourquoi le Jugement dernier de Michel-Ange est considéré comme la plus grande des œuvres d’art. C’est elle qui effraie le plus!

DE QUELLE FAÇON LA RELIGION CRÉE-T-ELLE LA CONSOLATION?

Par l’espoir d’une rédemption dans une vie ultérieure pour ceux qui, dans celle-ci, travaillent et souffrent pour la classe supérieure.

QUE SAVONS-NOUS DE DIEU ?

Rien!

EXISTE- T-IL UNE VIE ULTÉRIEURE’ ?

Nous n’en savons rien et cela ne nous regarde point. C’est pour cette raison que nous devons vivre comme s’il n’y avait que la vie terrestre.

La classe supérieure accapare tout sur terre et offre le ciel à la classe inférieure.

QUI ÉTAIT LE CHRIST?

Un homme hors du commun, qui voulait, à sa manière, éclairer et sauver la classe inférieure.

Malheureusement lui aussi croyait au ciel et, au lieu de montrer aux travailleurs et aux opprimés de quelle façon ils pouvaient améliorer leur sort sur terre, il leur prêchait l’inconnu. C’est pour cela que la doctrine du Christ est périmée; de nos jours la classe supérieure se sert du Christ dans un seul but: comme consolation pour la classe inférieure lorsque cette dernière a été trop durement exploitée.

COMMENT POUVONS-NOUS SAVOIR QU’IL N’ÉTAIT PAS DIEU ?

Parce qu’il était un être humain.

Pourquoi perdre son temps à prouver l’absurde de l’absurde” ?

N’Y A-T-IL PAS D’AUTRES RAISONS?

Si, également parce qu’il n’a laissé aucune preuve de son caractère divin, ce qui aurait été à la fois facile et sage.

Il y a sur la place de la Concorde un obélisque datant de 1400 avant Jésus-Christ. Les hiéroglyphes gravés dans la pierre attestent l’existence de Ramsès II. Pourquoi n’avons-nous pas de témoignage sur la vie du Christ, pas même un document daté ?

COMMENT PEUT-ON EXPLIQUER LE SENTIMENT INNÉ DE LA RELIGION?

Par l’habitude de se laisser aller dès l’enfance à de tels sentiments.

Le sentiment religieux du musulman l’invite à prendre plusieurs femmes.

Le Corse ne trouve le repos de son âme qu’après avoir accompli son devoir religieux qui est de tuer son ennemi.

QU’EST-CE QUE LA CONSCIENCE?

Le sentiment de ne pas avoir obéi à un précepte moral.

A en juger par ses actes, la classe supérieure est complètement dépourvue de conscience.

Cela tient à ce que ses préceptes sont destinés uniquement à la classe inférieure. Quand il s’agit d’eux-mêmes, les membres de la classe supérieure n’ont qu’une doctrine: “Ce que je fais est juste,”

QUI FORMULE LES PRÉCEPTES?

La classe supérieure.

La classe supérieure règle donc notre conscience par ses préceptes.

Les quakers, qui refusent le service militaire, ont obéi à leur raison, mais leur conscience leur reproche d’avoir enfreint les préceptes de la classe supérieure.

Par la force de l’habitude, les valeurs morales de la classe supérieure se sont enracinées dans l’esprit de la classe inférieure à un point tel qu’elles se substituent à leur conscience. C’est pourquoi, lorsque la classe supérieure fait appel à notre conscience, elle ne fait qu’évoquer le souvenir des principes moraux qu’elle nous a inculqués.

L’ÊTRE HUMAIN PEUT-IL VIVRE SANS RELIGION?

Oui, c’est facile pour la classe supérieure qui a les moyens de subsistance. Pour la classe inférieure qui lutte pour son existence, dans une angoisse continuelle, c’est plus difficile.

Quand Numa Pompilius vit qu’il risquait de perdre ses concubines, il les rendit sacrées et les appela vestales.

Quand Voltaire vit que ses écrits n’étaient plus en lieu sûr, il les glissa dans un paroissien.

Puisqu’il faut donner une religion au peuple, donnons-lui donc l’athéisme.

N’EST-IL PAS PRÉFÉRABLE DE PROCURER A LA CLASSE INFÉRIEURE DES MOYENS DE SUBSISTANCE PLUTÔT QU’UNE RELIGION?

Oui, c’est préférable.

Rassasiée, la classe supérieure reproche à la classe inférieure, qui meurt de faim, de ne penser qu’à manger.

Et la classe inférieure accepte le reproche sans réagir.

 

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14 août 2008 4 14 /08 /août /2008 08:03

Vous avez remarqué que sa sainteté le dalaï-lama est gentil. Il ne parle ni de castes ni de colonies. Il a dit à Kouchner que quant on est en colère, il faut se taire. C’est un homme bien. Comme vous le savez, le saint homme est la 14e réincarnation du Bouddha. Notre pape n’a même pas ce don divin.

La ville de Paris l'a fait citoyen d’honneur. « Je suis laïc. Je ne suis pas devenu bouddhiste » a déclaré Monsieur Delanoë. « Je suis un marxiste en robe bouddhiste » a répliqué sa sainteté le dalaï-lama.

A l'occasion de la venue du 14e Bouddha en France le journal de toutes les religions, Le Monde, fait du prosélytisme trop voyant :

Le bouddhisme est devenu la quatrième religion de France, avec six cent mille fidèles et près de 5 millions de sympathisants. Vous êtes vous-même bouddhiste ; à quelle obédience répondez-vous ? Comment pratique-t-on, en France, une religion fortement ancrée dans les traditions et la culture asiatiques ?

Il n'y aura même pas besoin d'un décret pour enterrer la laïcité. Il est vrai, à la décharge du Monde, que le peuple est déçu du Vatican et de notre Eglise molle et morne. Ils n'ont même pas retenu les leçons de Soljenitsyne. Sans oublier le gros reproche des fidèles sur l'incapacité de Jésus et de ses militants de faire des miracles comme dans le temps.

Le Parti Socialiste (canal historique) dénonce la Droite « autour de la mise en scène de l'épouse du président ». Mme Marie-Ségolène Royal (canal de la Prière) en profite pour toucher le saint homme avant que Mme Carla Bruni lui offre son dernier disque. A « huit clos » au Sénat le socialiste Jack Lang (canal œcuménique) était premier sur la photo.

Pauvre France ! Tes élites te font croire que l'Age de la pierre est la 14e réincarnation des Lumières. Tu mérites mieux que ça.

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13 août 2008 3 13 /08 /août /2008 08:25

Des dizaines de milliers de Chinois ont brandi des banderoles réclamant l’indépendance de la Corse dans plusieurs villes du pays. Ces Chinois mal élevés peuvent se permettre de s’immiscer dans nos affaires intérieures. Ils sont même capables d’envoyer leur armée pour libérer Yvan Colonna. Et pire encore, ils risquent de libérer la Palestine si on les provoque.

 Depuis, le président N. Sarkozy a compris la gravitude de la situation. Les entrepreneurs français qui invertissent en Chine ont eu une peur terrible. Après tout, comme il a dit l’ex premier ministre de la France « La Chine a quitté la route de la dictature ». Le Poitou n’a pas de chance !

Mais la diplomatie parallèle pourrait s'avérer plus efficace. La chanteuse pourra apprendre à ce moine et le peuple tibétain les moeurs occidentales de la polyandrie et de la polygamie tandis que le journaliste sans bornes lui apprendra comment la CIA finance les associations des droits de l'homme.

 

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12 août 2008 2 12 /08 /août /2008 09:24

La guerre, c’est la paix.

La liberté, c’est l’esclavage.

L’ignorance, c’est la force.

George ORWELL (1903-1950), “1984”, p.14

Les Kosovars et les Croates étaient épris de liberté. Ils étaient pour l'indépendance nationale. Ils étaient indépendantistes. Ils ont été soutenus par le monde libre et par la force de l'OTAN, l'armée démocratique de l'Occident. Les Serbes étaient les agresseurs ; ils étaient impérialistes. Kouchner fut gouverneur du berceau historique des Serbes. Nos philosophes se sont déplacés au péril de leur vie.

* * *

Chaque fois que quelqu’un est humilié,

est persécuté, est opprimé,

il devient automatiquement français

N. Sarkozy

Les Ossétes et les Abkhaziens sont des séparatistes. Les Géorgiens sont des victimes. Ils défendent l'intégrité territoriale nationale. Les Russes, venus au secours des Ossetes sont des agresseurs. L'OTAN ne peut pas intervenir car Poutine fait partie du monde libre. Le Monde, journal de toutes les références, a pointé le coupable. Staline (édito du 10 août). Kouchner se promène dans la ville natale de Staline. Les Géorgiens sont des Français. Il n'y pas besoin d'envoyer nos philosophes occupés sur le plan intérieur par l'affaire Val.

* * *

Cette fois-ci le monde libre est tombé sur un os. Poutine, ayant bien appris les trucs de l'OTAN, ira jusqu'à bombarder la capitale de Géorgie pour récupérer l'Ossetie du Sud. Il mettra un Kouchner comme proconsul et l'affaire sera réglée.

L'Occident semble incapable de défendre l'avocat new-yorkais et le gouvernement local qui crie « l'Europe nous abandonne encore une fois ». Il a fourni seulement 2500 mercenaires, pire que les rufians de l'armée de Napoléon. Rentabilité nulle. Petits massacres sans importance. Les conseillers Israéliens n'ont pas réussi le nettoyage ethnique.

Cette non assistance est un mauvais exemple pour le gouverneur de Santa Cruz et les autres défenseurs du monde libre. Comme ils disent à la CIA « L'Occident n'a guère d'outils à sa disposition ».

La démocratie russe est plus performante et plus efficace. Si la décadence de l'Occident continue, la Russie blanche, chrétienne, anticommuniste et Soljenitsynienne pourra faire l'affaire un jour. Soyons prêts pour changer de maître. Nous sommes libres.

* * *

La presse de l'oligarchie française (Le Monde, Libération, Le Figaro) s'est alignée encore une fois sur l'OTAN. Heureusement il y a Internet.

 

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11 août 2008 1 11 /08 /août /2008 07:28

Nos prêtres ne sont pas ce qu’un vain peuple pense,

notre crédulité fait toute leur science

Voltaire, Oedipe, IV, 1

Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé, même s’il est important qu’il s’en rapproche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance .

Nicolas Sarkozy, 20.12.2007

* * *

Le 23 novembre 1940, Pétain rétablit dans les programmes scolaires « les devoirs envers Dieu et envers la civilisation chrétienne » et publie une liste de manuels scolaires interdits. L’école reçoit de nouvelles fonctions : l’apprentissage du respect de la hiérarchie qui assure la paix sociale, la valorisation de l’éducation physique et du travail manuel et enfin la célébration de la patrie d’inspiration et de nature chrétienne. L’histoire de France est réécrite afin d’évacuer l’héritage de 1789.

 

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10 août 2008 7 10 /08 /août /2008 08:57

Evo en danger au référendum révocatoire du 10 août ?

Michel Collon            

 

La Bolivie a bien changé. A La Paz, j’assiste à une grande réception donnée par l’ambassadeur de Cuba. Mojitos, buffet, danses, grosse ambiance. Où sommes-nous ? Dans la salle des fêtes de… l’armée bolivienne. Oui, celle qui a tué le Che.

 

La Bolivie a bien changé, mais tout le monde ne lui veut pas que du bien. Nous sommes venus nous en rendre compte sur place avec quelques intellectuels progressistes d’une quinzaine de pays : Frei Betto, Ernesto Cardenal, Ramsey Clark, François Houtart, Luis Britto Garcia, Pascual Serrano… Quelques journées de rencontres et d’échanges avec des intellectuels boliviens, des représentants des communautés indiennes, des artistes…

Le moment est tendu. La droite essaie de provoquer une scission des riches régions de l’Est. Pour déjouer la manœuvre, le président Evo Morales, à mi-mandat, appelle à un référendum révocatoire, ce 10 août. Une sorte de vote de confiance. Il remet son mandat en jeu, mais aussi celui des préfets de départements, y compris ceux tenus par l’opposition. La droite tente de saboter le référendum et on craint des incidents…

Nous allons voir qui est derrière ces incidents, quel rôle jouent ici les Etats-Unis, et la CIA, et un ambassadeur vraiment curieux, et aussi l'Europe...

 

Un Bolivien sur quatre doit émigrer

Impressions fortes. Physiquement, d’abord. La Paz est à 3.600 mètres d’altitude. Son aéroport à 4.000 mètres. Arrivés dans la nuit, à court d’oxygène, nous sommes au bord de l’évanouissement. Très prévenants, les jeunes qui nous accueillent, nous font asseoir au calme, s’occupent de nos bagages et nous laissent récupérer notre souffle.

Le premier jour sera consacré au repos, à l’acclimatation. Avec Luis, un ami vénézuélien, nous faisons un petit tour, à petits pas et de banc en banc, dans une des plus belles capitales du monde. Imaginez une immense cuvette, bordée par les grandioses montagnes Huayna Potosí (6.094 m) et Nevado Illimani (6.460 m), non loin du lac Titicaca, le plus haut lac navigable du monde. Ici, l’eau bout à 80°. Et toutes les rues sont en pente.

Ce qui frappe à La Paz, en hiver en tout cas, c’est la douceur du climat, ensoleillé et frais. Et la douceur des gens. Partout, on vous accueille avec gentillesse, avec une sorte de sérénité tranquille. Les Indiennes portent de lourds vêtements avec de superbes châles bariolés. Et de curieux petits chapeaux ‘boule’, noirs, bruns ou gris. Parfois, elles portent aussi des charges impressionnantes. Les Indiens représentent deux tiers de la population.

 

L’importance des communautés indiennes

« Un Indien président ? L’oligarchie blanche, raciste, ne l’accepte toujours pas. », nous confie Evo. En fait, j’ai commencé à comprendre toute la richesse de cet héritage indien en visitant avec des amis boliviens Tiwanaku, la capitale d’un ancien empire Inca…

Nous sommes sur le très haut plateau de l’Altiplano, bordé de montagnes. Ici, les Indiens vivent, dans des conditions difficiles, d’agriculture et d’élevage. Pas un nuage dans le ciel, un air incroyablement pur, on sent encore le froid de la nuit.

Tiwanaku fut une ville immense, les fouilles commencent à peine. Une centaine d’Indiens de la région sont occupés à restaurer le temple, une énorme pyramide en terrasses. C’était une civilisation très avancée qui construisait ses bâtiments en s’appuyant sur une connaissance poussée de l’astronomie. Elle avait créé une industrie métallurgique et textile. Elle cultivait plus de deux cents sortes différentes de maïs et quatre cents sortes de patates. Dont une espèce qui pouvait se congeler et rester comestible dix ans. Le système d’irrigation était très perfectionné avec une inclinaison très précise pour que les pierres réchauffent l’eau et l’empêchent de geler. Système si perfectionné qu’aujourd’hui, le ministère de l’Agriculture va le réutiliser pour développer l’agriculture en terrasses. L’eau est rare ici, un trésor.

Un vieil Indien opère avec notre petit groupe une cérémonie rituelle, une sorte de sacrifice de petits objets symboliques, pour célébrer l’union avec le Cosmos et rassembler les souhaits que nous formons. Emotion.

Il ne s’agit pas ici de glorifier le passé pour le passé, mais d’en préserver la mémoire et les valeurs pour les intégrer à la nouvelle société. Un journaliste bolivien nous explique l’importance que prend ici la communauté : « C’est un élément fort de la Bolivie. Tenez, selon les statistiques internationales, le paysan bolivien a un revenu moyen de cinquante dollars par an. Autant dire qu’il est mort ! Sauf si on comprend que l’économie communautaire est la base de notre vie ici. »

Bref, un héritage précieux qu’on ne peut pas perdre.

 

Le sort des Boliviens quand ils émigrent…

Impressions fortes aussi sur les réalités sociales de ce pays. A La Paz, les classes hautes vivent dans le bas de la ville, à 3.000 mètres, où on respire plus facilement. Les basses classes, par contre, à El Alto (pas besoin de traduire) : 4.000 mètres. Petits commerces, petits artisanats, un peu d’élevage dans les hauts plateaux… La vie est dure.

Deuxième pays le plus pauvre d’Amérique latine, la Bolivie a vu émigrer un sur quatre de ses enfants. Pourquoi ? Pendant des siècles, cette terre a été colonisée par l’Espagne. Et tous les bénéfices de ses richesses minières, extraites au prix d’un travail meurtrier dans un quasi-esclavage, ont été emportés en Europe. Pendant des décennies, son gaz et son pétrole ont profité à une poignée de riches, mais surtout à quelques multinationales, européennes notamment. Le Nord a bien saigné le Sud. Ne laissant sur place que la misère.

Et les conflits. Evo Morales, président depuis deux ans et demi, n’est pas tombé du ciel, il est le fruit de longues années de résistances ouvrières et paysannes. Les communautés indiennes ont toujours été exploitées, exclues, méprisées par une élite blanche et raciste, liée aux Etats-Unis et à l’Europe.

Voilà d’où viennent la pauvreté et le sous-développement. Mais quand les Boliviens, pour survivre, vont faire les ménages en Europe, celle-ci les traite comme des criminels et les emprisonne. Même des enfants ! Evo Morales a courageusement dénoncé la récente ‘Directive de la Honte’ qui permettra à tous les pays européens d’emprisonner jusqu’à dix-huit mois les délinquants, pardon : les immigrés.

Justement, avant de partir, je venais de rencontrer à Bruxelles des travailleurs immigrés, notamment latinos. En lutte depuis des mois pour obtenir des papiers, c’est-à-dire leurs droits, leur dignité. Face à des ministres complètement sourds, ils ont été obligés de mettre leurs vies en danger : grève de la faim, escalade de grues… Appréciant beaucoup la lettre d’Evo à l’U.E. ils m’ont chargé de remettre un petit message de gratitude au président bolivien. Je le lui ai remis. Sourire sur sa figure.

En fait, quand on voit ici la pauvreté, les salaires dérisoires, le manque d’industrie, on comprend pourquoi tant de Boliviens doivent émigrer. Mais, en allant plus loin, on comprend aussi que l’Europe est une sale hypocrite qui porte une lourde responsabilité dans cette émigration. Nous allons y revenir…

 

Qu’a réalisé Evo ?

Mais voyons d’abord ce qu’a réalisé Evo en deux ans et demi… Il a nationalisé le pétrole et le gaz. Vous voulez savoir pourquoi, dans nos médias, on dit du bien du président colombien Uribe et du mal d’Evo Morales ? Très simple. Le premier a fait passer les taxes sur les multinationales de 14% à… 0,4%. Pour faciliter l’installation de ces multinationales, ses paramilitaires ont chassé de leurs terres quatre millions de paysans. Le second a osé rendre à la nation bolivienne les richesses qui lui appartenaient afin de combattre la pauvreté.

En nationalisant les hydrocarbures, Evo a multiplié par cinq les revenus de l’Etat et s’est donné les moyens de soulager les maux les plus urgents : analphabétisme en baisse de 80%, retour à l’école d’une partie des enfants travaillant dans la rue, création d’écoles dans les langues indiennes aymara et quechua (vingt mille diplômés), soins de santé gratuits déjà pour la moitié des Boliviens, pension Dignidad pour les plus de 60 ans, crédit à zéro pour-cent pour des produits comme le maïs, le blé, le soja et le riz. Grâce à l’aide du Venezuela, six mille ordinateurs ont été offerts, surtout à des écoles. Grâce à l’aide de Cuba, deux cent soixante mille personnes ont été opérées des yeux. Ailleurs en Amérique latine, elles seraient condamnées à être aveugles, car pauvres.

En outre, les investissements publics ont fortement augmenté pour développer l’économie. La Bolivie a comblé son déficit fiscal, remboursé la moitié de sa dette extérieure (de 5 à 2,2 milliards de dollars), reconstitué une petite réserve financière, multiplié par quatre l’emploi dans les mines et la métallurgie, doublé la production et les revenus de ces industries. Le PIB industriel est passé de 4,1 à 7,1 milliards de dollars en trois ans. Mille tracteurs ont été distribués à des paysans. De nouvelles routes ont été construites.

Bref, la Bolivie avance. Pas assez vite, disent certains pour qui Evo n’y va pas assez fort contre la droite et les grands propriétaires. C’est un débat à mener entre ceux qui vivent sur place et peuvent apprécier la situation, ses possibilités, ses dangers. En sachant qu’il ne suffit pas de dire « Y a qu’à » pour sortir un pays de la pauvreté et de la dépendance. En sachant qu’il faut tenir compte du rapport de forces avec la droite qui s’agite beaucoup et sabote. En tenant compte de l’armée (Tous ses chefs seront-ils loyaux jusqu’au bout ?).

Autre facteur négatif : « La Justice demeure totalement corrompue », m’a confié… le plus haut magistrat de La Paz. « C’est une vieille caste qui se protège et protège les intérêts des riches. C’est un véritable business. Pourtant, nous avons menacé de révocation immédiate tout juge qui sera pris en flagrant délit. Mais c’est un combat difficile. »

Et justement, quand je me trouvais là, la Justice venait fameusement en aide à la droite en essayant d’empêcher par une bataille juridique la tenue du référendum. Mais il y a danger bien plus grand que la Justice…

 

Derrière la droite, les Etats-Unis préparent une guerre civile

C’est le nouveau truc des Etats-Unis. S’avérant incapable de gagner une guerre d’occupation, Washington recourt à la guerre indirecte, la guerre par intermédiaires. Actuellement, la stratégie de Washington est d’essayer de provoquer une guerre civile en Bolivie. Pour cela, les provinces contrôlées par la droite et qui contiennent les grandes propriétés agricoles liées aux multinationales ainsi que la majorité des réserves de gaz et de pétrole, ces provinces multiplient les provocations pour préparer une sécession.

Ayant personnellement étudié l’action secrète des grandes puissances pour faire éclater la Yougoslavie, j’ai tenu à attirer l’attention des Boliviens, lors de quelques interviews : aujourd’hui, Washington risque de transformer leur pays en une nouvelle Yougoslavie.

Voici les ingrédients de son action : 1. Des investissements massifs de la CIA. 2. Un ambassadeur spécialisé dans la déstabilisation. 3. Des fascistes expérimentés. Avec ces ingrédients, vous pouvez préparer un coup d’Etat ou une guerre civile. Ou les deux.

Premier ingrédient. Comme au Venezuela, la CIA investit beaucoup en Bolivie. A travers ses paravents habituels : USAID, National Endowment for Democracy, Institut Républicain International, etc. Les organisations de la droite séparatiste sont abondamment subventionnées. L’USAID a, par exemple, financé Juan Carlos Orenda, conseiller du Comité civique de Santa Cruz d’extrême droite et auteur d’un plan prévoyant la sécession de cette province.

Mais aussi des organisations plus discrètes chargées de semer la confusion et de préparer une propagande anti-Evo. A l’université San Simon de Cochabamba, la Fondation du Millénaire a reçu 155.000 dollars pour critiquer la nationalisation du gaz et défendre le néolibéralisme. Treize jeunes dirigeants boliviens de droite ont été invités à des formations à Washington : 110.000 dollars. Dans les quartiers populaires d’El Alto, USAID lance des programmes pour « réduire les tensions dans les zones sujettes à conflits sociaux ». Lisez : discréditer la gauche.

En tout, des millions de dollars ont été versés à toutes sortes d’organisations, des groupes étudiants, des journalistes, des politiciens, des magistrats, des intellectuels, des hommes d’affaires. Le parti populaire espagnol, autour de José Maria Aznar, participe aux manœuvres.

Deuxième ingrédient. D’où vient Philip Goldberg, l’actuel ambassadeur des Etats-Unis en Bolivie ? De Yougoslavie. Où il a accumulé une riche expérience sur la manière de faire éclater un pays. De 94 à 96, il a travaillé en Bosnie pour l’ambassadeur Richard Holbrooke, un des stratèges de la désintégration. Puis, il a fomenté les troubles au Kosovo et la scission entre Serbie et Monténégro. Un expert, on vous dit.

Et pas inactif. Comme le raconte le journaliste argentin Roberto Bardini : « Le 28 juin 2007, une citoyenne américaine de vingt ans, Donna Thi, de Miami, a été détenue à l’aéroport de La Paz pour avoir tenté d’introduire dans le pays cinq cents balles de calibre 45 qu’elle avait déclarées aux douanes comme du ‘fromage’. Au terminal, l’attendait la femme du colonel James Campbell, le chef de la mission militaire de l’ambassade US en Bolivie. L’ambassadeur US Philip Goldberg est intervenu immédiatement pour obtenir qu’on la relâche en disant qu’il ne s’agissait que d’une ‘innocente erreur’. Les munitions, a-t-il déclaré, ne devaient servir qu’au sport et au spectacle. En mars 2006, un autre citoyen US, Triston Jay Amero, alias Lestat Claudius, un Californien de 25 ans, porteur de quinze documents d’identité différents, a fait exploser trois cents kilos de dynamite dans deux hôtels de La Paz. »

Pourquoi a-t-on exporté Goldberg des Balkans à la Bolivie ? Pour transformer, j’en suis sûr, ce pays en une nouvelle Yougoslavie. Le séparatisme est une méthode privilégiée par les Etats-Unis pour reprendre le contrôle de richesses naturelles ou de régions stratégiques lorsque des gouvernements se montrent trop indépendants, trop résistants aux multinationales.

Troisième ingrédient. Des fascistes expérimentés. En Bolivie, Goldberg a ouvertement soutenu et collaboré avec des hommes d’affaires croates à la tête de la sécession. Particulièrement, Branko Marinkovic, membre de la Fédération des entrepreneurs libres de Santa Cruz (province sécessionniste). Très grand propriétaire de terres, Marinkovic tire aussi les ficelles de Transporte de Hidrocarbures Transredes (qui travaille pour Shell). Il gère les six mille kilomètres de pipelines de gaz et de pétrole qui mènent au Chili, au Brésil et en Argentine.

Et quand ces gens sont-ils venus de Croatie ? Il faut rappeler que, durant la Seconde Guerre mondiale, Hitler a installé une Grande Croatie fasciste où ses collaborateurs, les Oustachis, ont mis sur pied des camps d’extermination (y compris un spécialement pour enfants !), perpétrant un génocide épouvantable contre les Serbes, les juifs et les tziganes. Après leur défaite, l’Eglise croate et le Vatican ont organisé, les Ratlines, filières d’évasion des criminels fascistes croates (et de Klaus Barbie). De la Croatie à l’Autriche, puis à Rome. Et de là vers l’Argentine, la Bolivie ou les Etats-Unis.

Quand on sait que Franjo Tudjman et les dirigeants de la ‘nouvelle’ Croatie née en 1991 ont réhabilité les anciens criminels croates de la Seconde Guerre mondiale, on aimerait savoir si Monsieur Marinkovic renie tout ce passé ou bien si, tout simplement, il emploie les mêmes méthodes là où il se trouve à présent. Quant aux Etats-Unis, on sait qu’ils ont récupéré et recyclé quantité de criminels et d’espions nazis de la Seconde Guerre mondiale. Les réseaux, ça sert toujours.

 

Ce qui se cache derrière le séparatisme

Voilà, tous les ingrédients sont prêts pour faire exploser la Bolivie… Les dollars de la CIA, plus des experts dans la provocation de guerres civiles, plus des fascistes recyclés en businessmen. Une guerre civile qui servirait bien les intérêts des multinationales, mais que l’opinion internationale doit absolument empêcher. Les Boliviens ont le droit de décider eux-mêmes de leur sort. Sans la CIA.

Car une sécession ne profiterait qu’à l’élite. L’écrivain brésilien Emir Sader vient d’écrire très justement : « Aujourd’hui, une des modalités qui renferme le racisme, c’est le séparatisme, les tentatives de délimiter les territoires de la race blanche, en s’appropriant et privatisant les richesses qui appartiennent à la nation et à son peuple. Nous connaissions déjà ces intentions sous la forme des quartiers riches qui cherchaient à se définir en tant que municipalités, afin que la part des impôts prélevée obligatoirement de leurs immenses richesses, reste dans leur escarcelle pour augmenter les bénéfices de leurs quartiers retranchés, derrière lesquels ils cherchaient à isoler et défendre avec une sécurité privée, évidemment, leurs styles de vie privilégiés ». (…) Le référendum séparatiste est une expression oligarchique, raciste et économique car ils veulent garder l’usufruit des richesses de Santa Cruz pour leur propre bénéfice et parce que les oligarques veulent, en plus, empêcher que le gouvernement d’Evo Morales poursuive son processus de réforme agraire et qu’il l’étende à tout le pays. »

Cette autonomie-là, en effet, ça veut dire que les Blancs riches qui ont contrôlé la Bolivie depuis toujours, refusent d’être gouvernés par la majorité, non blanche, de l’Ouest. Quand on parle d’autonomie, Evo Morales répond : « Parlons d’autonomie, non pas pour l’oligarchie, mais pour les peuples avec qui nous luttons. Ces groupes séparatistes qui viennent de perdre leurs privilèges, ont été depuis longtemps dans le Palais, ils ont gouverné et ont permis que l’on pille notre pays, nos ressources naturelles, y compris les ressources de base, de même que la privatisation de nos entreprises, et maintenant ils envisagent de nouveau ce système qui démontre son véritable intérêt : le contrôle économique ».

Mais il n’y a pas que les Etats-Unis qui s’acharnent sur la Bolivie…

 

L’hypocrisie de l’Europe :

qui donc l’a causée, « toute la misère du monde » ?

Pourchassant les sans-papiers, l’Europe glisse dans un soupir de dame patronnesse : « Nous ne pouvons quand même pas accueillir toute la misère du monde ». Ah, bon ? Mais, en réalité, cette misère, c’est vous qui l’avez créée ! Vos Charles-Quint, vos Louis XIV, vos Elisabeth I et vos Léopold II ont allègrement massacré les ‘sauvages’ pour voler leurs richesses ! Le décollage économique du capitalisme européen s’est construit sur ce pillage. Et jusqu’à aujourd’hui, vos sociétés minières, agricoles et autres n’ont cessé de piller les matières premières sans les payer, n’ont cessé de dominer et déformer les économies locales et de bloquer leur développement ! N’est-ce pas vous qui avez une Dette à rembourser au Sud ?

Serait-ce du passé ? Dans les médias, les responsables européens aiment à raconter qu’aujourd’hui, ils ne veulent que du bien à l’Amérique latine et au tiers monde…

« Totalement faux », me confie avec indignation Pablo Solon qui représente la Bolivie dans les négociations commerciales entre l’Amérique latine et l’U.E : « La Bolivie l’a exprimé à l’U.E. Avant les négociations, nous avions dit que nous ne négocierions pas un traité style Libre Commerce. Et nous avions communiqué nos points de divergence sur les services, les investissements, la propriété intellectuelle et les biens publics. La Commission nous a promis qu’on discuterait ces points dans la négociation. Qu’à la différence des ‘autres’, on ne nous imposerait pas un format unique. Mais, lorsque nous nous sommes réunis avec Peter Mandelson, commissaire européen pour le Commerce, il nous a dit de façon catégorique et impérative : ‘Ceci est un Traité de Libre Commerce. Ou bien vous l’acceptez, ou bien vous êtes hors des négociations.’. J’ai répondu personnellement que nous n’allions pas nous exclure et que nous allions défendre nos points de vue jusqu’au bout. Car la Bolivie a beaucoup d’industries qu’elle doit défendre : acier, plastique, papier, qui ont besoin de mécanismes de protection tout comme ce fut les cas pour les industries naissantes européennes à l’époque. »

Effectivement, l’Europe se montre hyper-dominatrice et arrogante. Elle prétend imposer à toute l’Amérique latine et aux Caraïbes l’arrêt des subventions qui aident à développer les produits locaux, la suppression des droits de douanes aux importations (mais elle refuse de faire de même chez elle !), la suppression de toutes limites pour les exportations européennes (refusant l’inverse), le transfert sans limites de la main d’œuvre européenne qualifiée, la modification de toutes les lois protégeant les économies locales.

Et en plus, elle veut imposer la privatisation de tous les services, biens et entreprises des Etats. Alors qu’en 2000 déjà, sur les cinq cents plus grandes entreprises d’Amérique latine et des Caraïbes, 46 % appartenaient déjà à des entreprises étrangères.

Et en plus, l’U.E. prétend imposer des brevets sur le vivant (la Bolivie a une biodiversité très riche convoitée par les multinationales chimiques et pharmaceutiques). Mais le vivant, et l’eau aussi, ne sont-ils pas des biens essentiels à la survie, un patrimoine qui doit rester à ceux qui l’ont toujours protégé et utilisé à bon escient ?

En définitive, l’U.E. veut imposer des traités tout à fait déséquilibrés qui tueront les entreprises boliviennes. Tout ce qu’elle cherche, c’est que les entreprises européennes puissent envahir librement les marchés. Donc ruiner ces pays. Donc provoquer de l’émigration. Un système absurde, non ?

 

Qui ‘choisit’ l’immigration et pourquoi ?

J’ai écrit que l’Europe chassait les émigrés latinos. Ce n’est pas exact. Elle ne les traite pas tous de la même façon.

D’un côté, le patronat européen importe les meilleurs cerveaux du tiers-monde, et aussi des techniciens très qualifiés. Sous - payés pour grossir les bénéfices des sociétés. C’est ce que Sarkozy et d’autres appellent ‘immigration choisie’. Le maître sélectionne ceux qui auront la chance de travailler pour lui. Mais ce vol des cerveaux prive le tiers-monde des gens qu’il a formés (à grand coût) et qui seraient nécessaires à son développement. Une nouvelle forme de pillage.

De l’autre côté, l’Europe accueille aussi une partie des non qualifiés. En les laissant sans papiers, donc sans droits, elle les oblige à vivre dans la peur, à accepter des salaires et des conditions de travail qui constituent un recul social. Bon moyen de diviser et de faire pression sur les autres travailleurs. Voilà comment se fabrique la ‘compétitivité’ de cette vertueuse Europe. La façon de traiter les sans-papiers n’est pas une bavure, elle est un rouage essentiel d’un système économique égoïste.

Résumons. L’Europe a volé l’Amérique latine. L’Europe continue à voler l’Amérique latine. Elle l’empêche de nourrir ses enfants. Mais quand ceux-ci sont forcés d’émigrer, elle les emprisonne. Ensuite, elle donne des leçons de démocratie et de moralité au monde entier.

 

Le temps est venu

Je n’ai pu rester longtemps en Bolivie, mais ce peuple m’a profondément impressionné. Je me rappelle ces milliers de manifestants qui descendaient, ce dimanche-là, vers le centre de La Paz, dans leurs minibus, leurs autos ou leurs taxis bondés, Indiens et Blancs, du plus clair au plus foncé..

Avec un calme étonnant, bien moins de bruit que dans n’importe quelle manif du monde. Avec une détermination simple et noble. Et dans leurs yeux, une évidence : le temps est venu de mettre fin à des siècles d’humiliations, le temps est venu de la dignité pour tous, le temps est venu de faire disparaître la misère.

Et je repensais à ces amis sans-papiers de Bruxelles, manifestant eux aussi pour leur avenir et pour leur dignité. Le problème est évidemment le même, à Bruxelles et à La Paz : à qui doivent servir les richesses d’un pays ? Et si ce problème ne se résout pas à La Paz, des millions de sans-papiers continueront à frapper aux portes de l’Europe.

 

Et demain ?

Comment cela évoluera-t-il ? Pour le 10 août, un institut de sondage pro-US annonce une victoire d’Evo par 60%. Comme la plupart de mes interlocuteurs à La Paz. Certains craignaient, par contre, l’influence du problème de l’inflation et du renchérissement de la vie. D’autres craignent que la droite lance des provocations violentes pour empêcher le référendum.

Quoi qu’il en soit, le référendum ne résoudra rien, ni dans un sens, ni dans l’autre. Evo Morales sera toujours devant le même problème : le gouvernement est à gauche, mais ne contrôle pas l’économie du pays, ni les médias (aux mains des gros propriétaires et de la multinationale espagnole Prisa), ni les universités, ni l’Eglise qui est aux côtés des riches, comme d’habitude dans ce continent. On ne peut pas tout faire en deux ans et demi. Mais, pour avancer, Evo devra réussir à mobiliser plus avant les masses populaires. Sa seule force.

De toute façon, après le référendum, la question restera la même : les richesses du pays doivent-elles servir à enrichir les riches et les multinationales ou bien à développer le pays et à vaincre la pauvreté ?

Pour trancher cette question à leur avantage, les Etats-Unis sont prêts à tout. Et le mouvement progressiste international ? Comment réagira-t-il contre la désinformation et la préparation d’une guerre civile ?

La réponse dépend de nous tous.

 

Michel Collon

La Paz – Bruxelles

Août 2008

 

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9 août 2008 6 09 /08 /août /2008 08:35

Au milieu des années soixante-dix des praticiens de la pensée libérale occupent le terrain (néolibéraux, chrétiens de gauche, gauchistes de l'Ecole Normale, ...). Le philosophe Gilles Deleuze, dès l’origine, avait bien vu la nullité de cette pensée grotesque. On n'était pas assez attentifs à l'époque. On croyait qu'il y avait des différences entre les versions de « gauche » et de droite et que la « liberté » (concept abstrait) allait donner du pain et en même temps le pouvoir au peuple. On a eu Sarkozy-Hortefeux et le pain se gagne à coup d’heures supplémentaires. Le peuple a été puni pour avoir suivi les « philosophes » !

L'ancien n'en finit pas et le nouveau n'arrive pas à l’horizon. La Crise selon Gramsci. On est à la fin de cette époque infectée par les philosophes-araignées qui ont empêché les nouvelles idées d’éclore.

J’espère qu’on fera attention la prochaine fois.

Ce texte de Gilles Deleuze a été publié comme Supplément au n°24, mai 1977, de la revue bimestrielle Minuit, et distribué gratuitement. Origine : http://www.generation-online.org/p/fpdeleuze9.htm

 

- Que penses-tu des « nouveaux philosophes » ?

 

Rien. Je crois que leur pensée est nulle. Je vois deux raisons possibles à cette nullité. D'abord ils procèdent par gros concepts, aussi gros que des dents creuses, LA loi, LE pouvoir, LE maître, LE monde, LA rébellion, LA foi, etc. Ils peuvent faire ainsi des mélanges grotesques, des dualismes sommaires, la loi et le rebelle, le pouvoir et l'ange. En même temps, plus le contenu de pensée est faible, plus le penseur prend d'importance, plus le sujet d'énonciation se donne de l'importance par rapport aux énoncés vides (« moi, en tant que lucide et courageux, je vous dis..., moi, en tant que soldat du Christ..., moi, de la génération perdue..., nous, en tant que nous avons fait mai 68..., en tant que nous ne nous laissons plus prendre aux semblants... »). Avec ces deux procédés, ils cassent le travail. Car ça fait déjà un certain temps que, dans toutes sortes de domaines, les gens travaillent pour éviter ces dangers-là. On essaie de former des concepts à articulation fine, ou très différenciée, pour échapper aux grosses notions dualistes. Et on essaie de dégager des fonctions créatrices qui ne passeraient plus par la fonction-auteur (en musique, en peinture, en audio-visuel, en cinéma, même en philosophie). Ce retour massif à un auteur ou à un sujet vide très vaniteux, et à des concepts sommaires stéréotypés, représente une force de réaction fâcheuse. C'est conforme à la réforme Haby : un sérieux allégement du « programme » de la philosophie.

 

- Dis-tu cela parce que B.-H. Lévy vous attaque violemment, Guattari et toi, dans son livre Barbarie à visage humain?

 

Non, non, non. Il dit qu'il y a un lien profond entre L'Anti-Oedipe et « l'apologie du pourri sur fumier de décadence » (c'est comme cela qu'il parle), un lien profond entre L'Anti-Oedipe et les drogués. Au moins, ça fera rire les drogués. Il dit aussi que le Cerfi est raciste : là, c'est ignoble.

Il y a longtemps que je souhaitais parler des nouveaux philosophes, mais je ne voyais pas comment. Ils auraient dit tout de suite : voyez comme il est jaloux de notre succès. Eux, c'est leur métier d'attaquer, de répondre, de répondre aux réponses. Moi, je ne peux le faire qu'une fois. Je ne répondrai pas une autre fois. Ce qui a changé la situation pour moi, c'est le livre d'Aubral et de Delcourt, Contre la nouvelle philosophie. Aubral et Delcourt essaient vraiment d'analyser cette pensée, et ils arrivent à des résultats très comiques. Ils ont fait un beau livre tonique, ils ont été les premiers à protester. Ils ont même affronté les nouveaux philosophes à la télé, dans l'émission « Apostrophes ». Alors, pour parler comme l'ennemi, un Dieu m'a dit qu'il fallait que je suive Aubral et Delcourt, que j'aie ce courage lucide et pessimiste.

 

- Si c'est une pensée nulle, comment expliquer qu'elle semble avoir tant de succès, qu'elle s'étende et reçoive des ralliements comme celui de Sollers ?

 

Il y a plusieurs problèmes très différents. D'abord, en France on a longtemps vécu sur un certain mode littéraire des « écoles ». Et c'est déjà terrible, une école : il y a toujours un pape, des manifestes, des déclarations du type « je suis l'avant-garde », (les excommunications, des tribunaux, des retournements politiques, etc. En principe général, on a d'autant plus raison qu'on a passé sa vie à se tromper, puisqu'on peut toujours dire « je suis passé par là ». C'est pourquoi les staliniens sont les seuls à pouvoir donner des leçons d'antistalinisme. Mais enfin, quelle que soit la misère des écoles, on ne peut pas dire que les nouveaux philosophes soient une école. Ils ont une nouveauté réelle, ils ont introduit en France le marketing littéraire ou philosophique, au lieu de faire une école. Le marketing a ses principes particuliers :

 

1. il faut qu'on parle d'un livre et qu'on en fasse parler, plus que le livre lui-même ne parle ou n'a à dire. A la limite, il faut que la multitude des articles de journaux, d'interviews, de colloques, d'émissions radio ou télé remplacent le livre, qui pourrait très bien ne pas exister du tout.

C'est pour cela que le travail auquel se donnent les nouveaux philosophes est moins au niveau des livres qu'ils font que des articles à obtenir, des journaux et émissions à occuper, des interviews à placer, d'un dossier à faire, d'un numéro de Playboy. Il y a là toute une activité qui, à cette échelle et à ce degré d'organisation, semblait exclue de la philosophie, ou exclure la philosophie.

 

2. Et puis, du point de vue d'un marketing, il faut que le même livre ou le même produit aient plusieurs versions, pour convenir à tout le monde une version pieuse, une athée, une heideggerienne, une gauchiste, une centriste, même une chiraquienne ou néo-fasciste, une « union de la gauche » nuancée, etc. D'où l'importance d'une distribution des rôles suivant les goûts. Il y a du Dr Mabuse dans Clavel, un Dr Mabuse évangélique, Jambet et Lardreau, c'est Spöri et Pesch, les deux aides à Mabuse (ils veulent « mettre la main au collet » de Nietzsche). Benoist, c'est le coursier, c'est Nestor. Lévy, c'est tantôt l'imprésario, tantôt la script-girl, tantôt le joyeux animateur, tantôt le dise-jockey. Jean Cau trouve tout ça rudement bien ; Fabre-Luce se fait disciple de Glucksmann ; on réédite Benda, pour les vertus du clerc. Quelle étrange constellation.

 

Sollers avait été le dernier en France à faire encore une école vieille manière, avec papisme, excommunications, tribunaux. Je suppose que, quand il a compris cette nouvelle entreprise, il s'est dit qu'ils avaient raison, qu'il fallait faire alliance, et que ce serait trop bête de manquer ça. Il arrive en retard, mais il a bien vu quelque chose. Car cette histoire de marketing dans le livre de philosophie, c'est réellement nouveau, c'est une idée, il « fallait » l'avoir. Que les nouveaux philosophes restaurent une fonction-auteur vide, et qu'ils procèdent avec des concepts creux, toute cette réaction n'empêche pas un profond modernisme, une analyse très adaptée du paysage et du marché. Du coup, je crois que certains d'entre nous peuvent même éprouver une curiosité bienveillante pour cette opération, d'un point de vue purement naturaliste ou entomologique. Moi, c'est différent, parce que mon point de vue est tératologique : c'est de l'horreur.

 

- Si c'est une question de marketing, comment expliques-tu qu'il ait fallu les attendre, et que ce soit maintenant que ça risque de réussir?

 

Pour plusieurs raisons, qui nous dépassent et les dépassent eux-mêmes. André Scala a analysé récemment un certain renversement dans les rapports journalistes-écrivains, presse-livre. Le journalisme, en liaison avec la radio et la télé, a pris de plus en plus vivement conscience de sa possibilité de créer l'événement (les fuites contrôlées, Watergate, les sondages ?). Et de même qu'il avait moins besoin de se référer à des événements extérieurs, puisqu'il en créait une large part, il avait moins besoin aussi de se rapporter à des analyses extérieures au journalisme, ou à des personnages du type « intellectuel », « écrivain » : le journalisme découvrait en lui-même une pensée autonome et suffisante. C'est pourquoi, à la limite, un livre vaut moins que l'article de journal qu'on fait sur lui ou l'interview à laquelle il donne lieu. Les intellectuels et les écrivains, même les artistes, sont donc conviés à devenir journalistes s'ils veulent se conformer aux normes. C'est un nouveau type de pensée, la pensée-interview, la pensée-entretien, la pensée-minute. On imagine un livre qui porterait sur un article de journal, et non plus l'inverse. Les rapports de force ont tout à fait changé, entre journalistes et intellectuels. Tout a commencé avec la télé, et les numéros de dressage que les interviewers ont fait subir aux intellectuels consentants. Le journal n'a plus besoin du livre. je ne dis pas que ce retournement, cette domestication de l'intellectuel, cette journalisation, soit une catastrophe. C'est comme ça : au moment même où l'écriture et la pensée tendaient à abandonner la fonction-auteur, au moment où les créations ne passaient plus par la fonction-auteur, celle-ci se trouvait reprise par la radio et la télé, et par le journalisme. Les journalistes devenaient les nouveaux auteurs, et les écrivains qui souhaitaient encore être des auteurs devaient passer par les journalistes, ou devenir leurs propres journalistes. Une fonction tombée dans un certain discrédit. retrouvait une modernité et un nouveau conformisme, en changeant de lieu et d'objet. C'est cela qui a rendu possible les entreprises de marketing intellectuel. Est-ce qu'il y a d'autres usages actuels d'une télé, d'une radio ou d'un journal ? Évidemment, mais ce n'est plus la question des nouveaux philosophes. Je voudrais en parler tout à l'heure. Il y a une autre raison. Nous sommes depuis longtemps en période électorale. Or, les élections, ce n'est pas un point local ni un jour à telle date. C'est comme une grille qui affecte actuellement notre manière de comprendre et même de percevoir. On rabat tous les événements, tous les problèmes, sur cette grille déformante. Les conditions particulières des élections aujourd'hui font que le seuil habituel de connerie monte. C'est sur cette grille que les nouveaux philosophes se sont inscrits dès le début. Il importe peu que certains d'entre eux aient été immédiatement contre l'union de la gauche, tandis que d'autres auraient souhaité fournir un brain-trust de plus à Mitterrand. Une homogénéisation des deux tendances s'est produite, plutôt contre la gauche, mais surtout à partir d'un thème qui était présent déjà dans leurs premiers livres : la haine de 68. C'était à qui cracherait le mieux sur mai 68. C'est en fonction de cette haine qu'ils ont construit leur sujet d'énonciation : « Nous, en tant que nous avons fait mai 68 ( ? ? ), nous pouvons vous dire que c'était bête, et que nous ne le ferons plus. » Une rancoeur de 68, ils n'ont que ça à vendre. C'est en ce sens que, quelle que soit leur position par rapport aux élections, ils s'inscrivent parfaitement sur la grille électorale. A partir de là, tout y passe, marxisme, maoïsme, socialisme, etc., non pas parce que les luttes réelles auraient fait surgir de nouveaux ennemis, de nouveaux problèmes et de nouveaux moyens, mais parce que LA révolution doit être déclarée impossible, uniformément et de tout temps. C'est pourquoi tous les concepts qui commençaient à fonctionner d'une manière très différenciée (les pouvoirs, les résistances, les désirs, même la « plèbe ») sont à nouveau globalisés, réunis dans la fade unité du pouvoir, de la loi, de l'État, etc. C'est pourquoi aussi le Sujet pensant revient sur la scène, car la seule possibilité de la révolution, pour les nouveaux philosophes, c'est l'acte pur du penseur qui la pense impossible.

Ce qui me dégoûte est très simple : les nouveaux philosophes font une martyrologie, le Goulag et les victimes de l'histoire. Ils vivent de cadavres. Ils ont découvert la fonction-témoin, qui ne fait qu'un avec celle d'auteur ou de penseur (voyez le numéro de Playboy : c'est nous les témoins...). Mais il n'y aurait jamais eu de victimes si celles-ci avaient pensé comme eux, ou parlé comme eux. Il a fallu que les victimes pensent et vivent tout autrement pour donner matière à ceux qui pleurent en leur nom, et qui pensent en leur nom, et donnent des leçons en leur nom. Ceux qui risquent leur vie pensent généralement en termes de vie, et pas de mort, d'amertume et de vanité morbide. Les résistants sont plutôt de grands vivants. Jamais on n'a mis quelqu'un en prison pour son impuissance et son pessimisme, au contraire. Du point de vue des nouveaux philosophes, les victimes se sont fait avoir, parce qu'elles n'avaient pas encore compris ce que les nouveaux philosophes ont compris. 5i je faisais partie d'une association, je porterais plainte contre les nouveaux philosophes, qui méprisent un peu trop les habitants du Goulag.

 

- Quand tu dénonces le marketing, est-ce que tu milites pour la conception vieux-livre, ou pour les écoles ancienne manière ?

 

Non, non, non. Il n'y a aucune nécessité d'un tel choix : ou bien marketing, ou bien vieille manière. Ce choix est faux. Tout ce qui se passe de vivant actuellement échappe à cette alternative. Voyez comme les musiciens travaillent, comme les gens travaillent dans les sciences, comme certains peintres essaient de travailler, comment des géographes organisent leur travail (cf. la revue Hérodote). Le premier trait, c'est les rencontres. Pas du tout les colloques ni les débats, mais, en travaillant dans un domaine, on rencontre des gens qui travaillent dans un tout autre domaine, comme si la solution venait toujours d'ailleurs. Il ne s'agit pas de comparaisons ou d'analogies intellectuelles, mais d'intersections effectives, de croisements de lignes. Par exemple (cet exemple est important, puisque les nouveaux philosophes parlent beaucoup d'histoire de la philosophie), André Robinet renouvelle aujourd'hui l'histoire de la philosophie, avec des ordinateurs ; il rencontre forcément Xenakis. Que des mathématiciens puissent faire évoluer ou modifier un problème d'une tout autre nature ne signifie pas que le problème reçoit une solution mathématique, mais qu'il comporte une séquence mathématique qui entre en conjugaison avec d'autres séquences. C'est effarant, la manière dont les nouveaux philosophes traitent « la » science. Rencontrer avec son propre travail le travail des musiciens, des peintres ou des savants est la seule combinaison actuelle qui ne se ramène ni aux vieilles écoles ni à un néo-marketing. Ce sont ces points singuliers qui constituent des foyers de création, des fonctions créatrices indépendantes de la fonction-auteur, détachées de la' fonction-auteur. Et ça ne vaut pas seulement pour des croisements de domaines différents, c'est chaque domaine, chaque morceau de domaine, si petit soit-il, qui est déjà fait de tels croisements. Les philosophes doivent venir de n'importe où : non pas au sens où la philosophie dépendrait d'une sagesse populaire un peu partout, mais au sens où chaque rencontre en produit, en même temps qu'elle définit un nouvel usage, une nouvelle position d'agencements - musiciens sauvages et radios pirates. Eh bien, chaque fois que les fonctions créatrices désertent ainsi la fonction-auteur, on voit celle-ci se réfugier dans un nouveau conformisme de « promotion ». C'est toute une série de batailles plus ou moins visibles : le cinéma, la radio, la télé sont la possibilité de fonctions créatrices qui ont destitué l'Auteur ; mais la fonction-auteur se reconstitue à l'abri des usages conformistes de ces médias. Les grandes sociétés de production se remettent à favoriser un « cinéma d'auteur » ; Jean-Luc Godard trouve alors le moyen de faire passer de la création dans la télé ; mais la puissante organisation de la télé a elle-même ses fonctions-auteur par lesquelles elle empêche la création. Quand la littérature, la musique, etc., conquièrent de nouveaux domaines de création, la fonction-auteur se reconstitue dans le journalisme, qui va étouffer ses propres fonctions créatrices et celles de la littérature. Nous retombons sur les nouveaux philosophes : ils ont reconstitué une pièce étouffante, asphyxiante, là où un peu d'air passait. C'est la négation de toute politique, et de toute expérimentation. Bref, ce que je leur reproche, c'est de faire un travail de cochon ; et que ce travail s'insère dans un nouveau type de rapport presse-livre parfaitement réactionnaire : nouveau, oui, mais conformiste au plus haut point. Ce ne sont pas les nouveaux philosophes qui importent. Même s'ils s'évanouissent demain, leur entreprise de marketing sera recommencée. Elle représente en effet la soumission de toute pensée aux médias ; du même coup, elle donne à ces médias le minimum de caution et de tranquillité intellectuelles pour étouffer les tentatives de création qui les feraient bouger eux-mêmes. Autant de débats crétins à la télé, autant de petits films narcissiques d'auteur - d'autant moins de création possible dans la télé et ailleurs. Je voudrais proposer une charte des intellectuels, dans leur situation actuelle par rapport aux médias, compte tenu des nouveaux rapports de force : refuser, faire valoir des exigences, devenir producteurs, au lieu d'être des auteurs qui n'ont plus que l'insolence des domestiques ou les éclats d'un clown de service. Beckett, Godard ont su s'en tirer, et créer de deux manières très différentes : il y a beaucoup de possibilités, dans le cinéma, l'audio-visuel, la musique, les sciences, les livres... Mais les nouveaux philosophes, c'est vraiment l'infection qui s'efforce d'empêcher tout ça. Rien de vivant ne passe par eux, mais ils auront accompli leur fonction s'ils tiennent assez la scène pour mortifier quelque chose.

 

5 juin 1977.

 

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