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25 mai 2007 5 25 /05 /mai /2007 17:13
Mémoires de Cannes

Mai 2007. A Cannes, Roman Polanski se rebelle contre la pauvreté des questions de la presse. "Je crains vraiment que c'est l'ordinateur qui vous a abaissés à ce niveau ; que vous ne vous intéressez plus à ce qui se passe au cinéma, que vous ne tapez plus parce que vous n'avez plus besoin de clavier : vous transférez une information que vous obtenez avec votre souris, sur le papier que vous allez donner à la rédaction, et c'est pour ça que vous savez si peu de nous tous ... Alors franchement, allons bouffer !", a-t-il lancé en se levant et en quittant la conférence. Le festival continue.

Mai 1968. A Cannes, Jean-Luc Godard interpelle ceux qui sont pour la continuation du Festival, en particulier Roman Polanski. Il leur dit : " La France s'arrête. On vous parle de liberté, vous nous parlez de travellings. Vous êtes des cons. " Le festival n'a pas eu lieu.

 

Godard écrit à Malraux

2007 à Cannes on fête le 60e anniversaire de sais pas trop quoi. On ne censure plus les films, car il n'y a plus de films.

1966, époque héroïque de la censure gaulliste, André Malraux, alors ministre de la Culture, obtient du secrétaire d'état à l'Information Yvon Bourges l'interdiction du film La Religieuse de Jacques Rivette.

 

Jean-Luc Godard écrit à Malraux :

 

Votre patron avait raison. Tout se passe à un niveau vulgaire et subalterne... Heureusement, pour nous, puisque nous sommes des intellectuels, vous, Diderot et moi, le dialogue peut s'engager à un échelon supérieur...

Étant cinéaste comme d'autres sont juifs ou noirs, je commençais à en avoir marre d'aller chaque fois vous voir et de vous demander d'intercéder auprès de vos amis Roger Frey et Georges Pompidou pour obtenir la grâce d'un film condamné à mort par la censure, cette gestapo de l'esprit. Mais Dieu du Ciel, je ne pensais vraiment pas devoir le faire pour votre frère, Diderot, un journaliste et un écrivain comme vous, et sa Religieuse, ma sœur...

Aveugle que j'étais ! J'aurais dû me souvenir de la lettre pour laquelle Denis avait été mis à la Bastille... Ce que j'avais pris chez vous pour du courage ou de l'intelligence lorsque vous avez sauvé ma Femme mariée de la hache de Peyrefitte, je comprends enfin ce que c'était, maintenant que vous acceptez d'un cœur léger l'interdiction d'une œuvre où vous aviez pourtant appris le sens exact de ces deux notions inséparables : la générosité et la résistance. Je comprends enfin que c'était tout simplement de la lâcheté...

Si ce n'était prodigieusement sinistre, ce serait prodigieusement beau et émouvant de voir un ministre UNR en 1966 avoir peur d'un esprit encyclopédique de 1789...

Rien d'étonnant à ce que vous ne reconnaissiez plus ma voix quand je vous parle, à propos de l'interdiction de Suzanne Simonin, la religieuse de Diderot, d'assassinat. Non. Rien d'étonnant dans cette lâcheté profonde. Vous faites l'autruche avec vos mémoires intérieurs. Comment donc pourriez-vous m'entendre, André Malraux, moi qui vous téléphone de l'extérieur, d'un pays lointain, la France libre ?

Post-scriptum. Lu et approuvé par François Truffaut, obligé de tourner à Londres, loin de Paris, Fahrenheit 451, température à laquelle brûlent les livres.

 

 

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